Un dossier réalisé par Chloé Lefrançois

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le handisport

 

 

 

Le sprint pour non voyant complet (catégorie T11)

D’habitude, les stars de la piste ont l’oeil pétillant, mauvais, rieur. Ceux d’Aladji Ba n’expriment rien. D’ailleurs, ils sont le plus souvent barrés par une paire de lunettes bleu blanc rouge. Le jeune sprinter court dans l’ombre, pas la sienne, mais celle de son guide. Lorsqu’il court avec Philippe à ses côtéss, Aladji laisse dans les starting-blocks son allure lourde et empruntée. Cette démarche a tâtons que nous avons tous lorsque nous nous retrouvons dans le noir le plus complet. Le temps d’une course, son pied se fait plus léger.

Un peu d’histoire

Jusqu’en 1996 les athlètes non voyants couraient sur 100 mètres seuls, un par un, uniquement orientés par la voix de leur guide en bord de piste. Cette méthode avait pour défaut d'interdire a plusieurs athlètes de concourir en même temps. On peut imaginer le risque a courir ensemble avec les guides criant la direction a prendre a leur athlète respectif. La Fédération internationale du sport aveugle à depuis lors essayé de donner un côté plus " visuel " à ces épreuves. Dorénavant, l’athlète courre main dans la main avec un valide à ses côtéss.

A Séville, où pour la première fois les aveugles côtoyaient les champions de l’athlétisme, plusieurs écoles ont vu le jour. Les Français sont reliés par une corde tenue a hauteur du poignet. Les italiens s’attachent au niveau de l’épaule, d’autres au niveau de la taille.

Ce drôle d’attelage doit former un alliage inséparable pour que chacun dans son couloir progresse à la même vitesse. " Philippe et Aladji forment un vrai binôme, explique Olivier Deniaud entraîneur national de la Fédération handisport. Comme Philippe court dans un couloir extérieur, il adapte sa foulée dans le virage. Surtout, il doit posséder sur 200 mètres une marge de plus d’une seconde sur son partenaire (Aladji a un record sur 200 mètres a 24’’44). Cette supériorité chronométrique lui permet d’évoluer suffisamment relâché et de vraiment guider Aladji plutôt que de le suivre. "

Technique de guidage : la corde

La corde vient au secours de l'athlète en course. Comme la canne permet à la personne non voyante de se déplacer dans un espace dans lequel elle doit poser ses repères. La corde est le lien existant entre l'athlète et son guide.

Lors des compétitions, deux techniques sont utilisées :

  • la corde est tenue a la main
  • la corde est accrochée à l'avant bras ou au biceps.

Les cordes peuvent être de plusieurs types :

  • corde simple
  • corde a noeud coulant
  • corde avec une poignée a chaque bout.

Le rôle de la corde

La corde a une longueur variable, on l'adapte à la technique de course de l'athlète, à son niveau et à l'appréhension qu'elle développe pendant qu'il court.
Les tensions qui s'y appliquent donnent des informations à l'athlète en ce qui concerne sa position, sa trajectoire et la position du guide par rapport a lui.
En général la taille de la corde augmente lorsque :

  • la confiance en soi et en son guide augmente
  • le niveau de pratique s'améliore.

Cependant un athlète de bon niveau a intérêt a utiliser une corde courte lorsqu'il pratique la course avec un virage (ex : le 200 mètres ou le 400 mètres).

Le rôle du guide

  • Permettre a l’athlète, déficient visuel, de prendre du plaisir dans la pratique du sport qu'il aime.
  • contribuer, a l’entraînement, a l'amélioration des la technique de course de l'athlète en collaboration avec l'entraîneur.
  • exercer une action sur la corde pour avertir l'athlète d'un changement de trajectoire notamment au moment d'aborder un virage ou d'en sortir. Le message transmis est d'autant plus efficace que la corde est courte.
  • Prodiguer des encouragements a la voix (s'il le peut encore..!) susceptibles d'indiquer a l'athlète s'il approche de l'arrivée ou de l'avertir de la présence de ses adversaires en course.

Quelles qualités doit avoir le guide ?


La coordination et la synchronisation entre les deux athlètes doivent être parfaites. Premièrement, si le tandem ne s'entend pas, qu'il n'y a pas de complicité ou de confiance, cela ne dure pas longtemps. Deuxièmement, il faut que le binôme possède une certaine marge pour pouvoir courir à la même vitesse. Le guide doit faire un chrono inférieur de 2 secondes, au temps de l’athlète handisport, sur 400m, car le but du guidage est d'obtenir la meilleure trajectoire possible. Sur la course, on ne se parle pas. Toutes les informations passent par le biais de la corde. Quand il faut accélérer par exemple, il tire un peu plus sur la corde.


Un parcours semé d’embûches


Ce qu’un athlète met 5 minutes à comprendre, demande à Aladji Ba plusieurs séances pour l’intégrer. Il explique : « Il faut que je l’assimile dans ma tête parce que je n’ai aucune base visuelle. »

La difficulté, estime Olivier Deniaud, c’est que le sprint réclame une technique qui va totalement à l’ encontre de la cécité. Courir vite, c’est avoir des appuis brefs, griffer la piste, alors qu’Aladji a besoin d’avoir un contact prolongé avec le sol pour faire face a un environnement qu’il ne maîtrise pas.
Le départ en " bascule " du sprinter pour un non-voyant, c’est comme la terre qui se dérobe sous les pieds de n’importe quel être humain. " Au début, confie Aladji, je partais plus assis qu’autre chose ; le problème ne se posait pas. Mais, si j’ai peur lorsque je suis en déséquilibre, c’est parce que je ne sais pas à quelle hauteur je me situe." . Une hantise qui l’a forcé à arrêter le saut en longueur : " Il était tellement crispé dans l’attente du sable, explique son entraîneur, qu’il se blessait presque a chaque fois à la réception. "
Très souvent, Aladji s’est pris les pieds dans la piste. " A l’arrivée d’un 60 mètres cet hiver, le plancher remontait brusquement. Comme il ne le savait pas, il a été surpris. Il est tombé, se souvient Olivier Deniaud. Pour lui, il faut que ça soit plat, sinon il perd toute confiance ". Qu’importe, l’élève appliqué se relève toujours, même si pour lui l’horizon reste bouché. Pas parce qu’il ne voit rien, mais parce que les valides ne courront pas assez vite pour lui.

Une ombre au tableau. . .


" A un moment donné, il va y avoir des limites a nos records. Si on veut courir en 10’’20 sur 100 m, il nous faut un guide capable de réaliser 9’’60." Maurice Greene, le rapide de Kansas City, plafonne toujours a 9’’79. "Et puis, rajoute Aladji, en plaisantant, je ne crois pas qu’il ait beaucoup de temps à m’accorder. "

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Paralympiques ATHENES 2004

  • 19 sports
  • 146 pays
  • 4000 athlètes
  • 1000 juges et arbitres
  • 2000 officiels d’équipes
  • 15000 volontaires
  • 2500 représentants des médias
  • 25000 membres de familles paralympiques

La délégation française Handisport

  • 1 capitaine : Joël Jeannot (5 victoires consécutives au marathon de Paris)
  • 74 médailles :
    • 18 médailles d’or
    • 26 médailles d’argent
    • 30 médailles de bronze

 

Les précédents Jeux paralympiques

  • 1960 (Rome): 400 athlètes, 23 pays
  • 1964 (Tokyo): 390 athlètes, 22 pays
  • 1968 (Tel Aviv): 750 athlètes, 29 pays
  • 1972 (Heidelberg): 1000 athlètes, 44 pays
  • 1976 (Toronto): 1600 athlètes, 42 pays
  • 1980 (Arnhem): 2500 athlètes, 42 pays
  • 1984 (Stoke Mandeville, New York): 4080 athlètes, 42 pays
  • 1988 (Séoul): 3053 athlètes, 61 pays
  • 1992 (Barcelone): 3020 athlètes, 82 pays
  • 1996 (Atlanta): 3195 athlètes, 103 pays
  • 2000 (Sydney): 3843 athlètes, 123 pays

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Inteview d’Aladji BÂ

Pensez-vous être un exemple à suivre pour les non voyants et les malvoyants ?
Non, je n'ai pas la prétention d'être un modèle. Tout ce que je veux, c'est militer à mon niveau pour notre dignité, pour qu’on nous regarde en face !

Si vous aviez des super pouvoirs, comment vous en serviriez-vous dans la vie ?

Mon rêve le plus fou serait que chacun de nous cultive l'amitié et la solidarité. Alors, si j'avais le pouvoir de changer la vie, je ferais en sorte que le monde ressemble au Defistival ou pour une fois, handicapés et valides s’amusent ensemble et apprennent a briser la glace.

Entretenez-vous l’espoir de voir un jour, grâce à la médecine ?
Personnellement, si ce n'est pas possible de procurer l'équivalent de 100 % de vision, et tout le temps, cela ne m'intéresse pas ! D'ailleurs, ne dit-on pas que l'essentiel est invisible pour les yeux ? Alors, je me dis que finalement ma cécité m’a aidéà m’accomplir et à devenir ce que je suis.

Le sport permet-il de voir plus loin que soi ?

Le sport permet le dépassement de soi et de transformer l'adversité en énergie positive, parce que le handicape ne résume pas une vie.

Avec votre handicap visuel, comment vous êtes vous tourné vers le sport ?

A 9 ans, mon professeur de sport a repéré que je me débrouillais bien et a proposé aux éducateurs de m'orienter vers l'athlétisme. En 1984, j'ai suivi les JO de Los Angeles à la radio et j'ai découvert Carl Lewis. A partir de ce jour-là, je n’ai eu qu’une idée en tête : courir vite, à l’aveugle, mais comme lui. C’est un professeur de sport qui m’a permis de participer a ma première compétition et c’est la que j’ai rencontré mon premier entraîneur, Jean Minier, le directeur technique de la fédération de handisport. Il m’a suivi pendant 3 ans puis m’a confié a Olivier Deniaud, qui est actuellement mon entraîneur.


Avez-vous des souvenirs du temps ou vous étiez voyant ?

J’ai quelques vagues souvenirs d’athlétisme, des flashes qui sont restés dans ma mémoire d’enfant voyant. Des images déformées par le temps. Ainsi j’imagine le départ en start comme un grand saut vers l’avant. Je crois que c’est une image telle qui m’est restée des Jeux de Montréal en 1976. Je vois encore ces gens qui bondissaient, qui d’un seul coup sortaient de nulle part.

 

 

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Interview d'’Olivier DENIAUD, entraîneur d'aladji BÂ


Quel statut avez-vous au sein de la fédération Handisport ?

Comme tous les entraîneurs de la fédération je suis bénévole. En effet, l’association a des problèmes de budget et ne fonctionne que grâce au bénévolat et aux oeuvres caritatives.

Quel est votre emploi à plein temps ?

Je suis professeur d’EPS dans un lycée international à Paris, dans le XVIIème. Mais lorsqu’il y a des compétitions Handisport je suis détaché.

Vous mélangez l’entraînement Handisport et valides. Comment se passe l’intégration des Handisports ?

L’intégration est possible pour les athlètes « marchants » , c’est-à-dire les non voyants, les amputés et les hémiplégiques. Pour les athlètes en fauteuils c’est plus difficile, ils ne s’entraînent d’ailleurs que rarement avec les valides ; surtout pour des raisons de sécurité. On a pu remarquer que les athlètes valides apportent beaucoup aux Handisports. Mais il y a un échange, Les valides apprennent aussi beaucoup des Handisports. Notamment au niveau de la mentalité. Cette intégration permet aux athlètes Handisports de s’entraîner en groupe, car chez les Handisports il y a peu d’athlètes, peu de clubs et donc une réelle difficulté à bénéficier d’une dynamique de groupe dans les entraînements. Cela permet d’élever leur niveau de performance, car il existe dans chaque club une concurrence positive. Puis, ils peuvent aussi participer aux compétitions des valides.

Comment se déroule l’entraînement avec un athlète non voyant tel qu’Aladji Ba ?

Il existe des techniques d’entraînement assez spéciales, du fait qu’Aladji ne peut courir sans un guide. Parfois, afin qu’il visualise ce que je lui demande, on utilise un socle de caoutchouc mou, avec du papier calque sur le dessus. Je dessine ce que je veux qu’il fasse, puis il lit sur le papier calque. Ce n’est pas toujours très simple pour lui d’intégrer toutes les informations que je lui donne, mais a son rythme, il intègre les consignes et les applique. C’est un athlète qui a besoin de s’exprimer, de prouver quelque chose, alors il ne renonce jamais. C’est donc pour moi un réel plaisir d’entraîner quelqu’un comme lui.

Pensez-vous avoir un rôle à jouer face au dopage ?

Je pense que tous les entraîneurs ont un rôle à jouer dans ce domaine. Pour commencer au niveau de la prévention, on leur communique la liste des produits interdits et on essaie de leur donner un certain état d’esprit afin qu’ils ne ressentent pas le besoin d’aller chercher dans les produits dopants des solutions. Mais mon rôle s’arrête là. Ce sont également des sportifs de haut niveau et donc ont signé la charte précisant qu’ils s’engagent a ne pas se doper.

Quel rôle pensez-vous que l’athlétisme joue pour les Handisports ?

Tout d’abord, il faut savoir que les sportifs de haut niveau sont insérés socialement et professionnellement. Tous ont accepté leur handicap, maintenant savoir si c’est le sport qui les a aidé a accepter cela, je ne le sais pas, c’est probable. . .
Mais ce qui est sur c’est que, comme ils pratiquent avec des valides, ça les aide a s’insérer dans la société et a faire des rencontres. Par exemple, Aladji Ba, le meilleur sprinter national non voyant, est venu dans une de mes classes de 4ème où il a été immédiatement considère comme un sportif de haut niveau et non comme un aveugle. Je pense qu’au niveau mental ils ont quelque chose de plus fort que les autres sportifs, ils ressentent le besoin de prouver quelque chose et sont davantage capables de se surpasser.

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